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Témoignage de Jérôme

«Il y a encore tant de belles choses à vivre !»

Selon Jérôme Oriol, la sclérose en plaques a toujours été là, comme un mal qui opérait à bas bruit… Une «sclérose en planque»! Alors, lorsque le diagnostic est tombé, un soir d’hiver 2019, il a décidé de ne pas laisser de place au doute, à la complainte et aux atermoiements. Armé d’une incroyable sagesse, il a d’emblée réorganisé sa vie personnelle et professionnelle. A quoi bon vouloir changer les choses sur lesquelles nous n’avons pas de prise ? Du haut de ses 58 ans, Jérôme Oriol a fait le choix du pragmatisme, avec une petite dose de fatalisme : s’il ne peut pas modifier le cours de la maladie, autant l’accepter le mieux possible. Une belle leçon d’humilité… et d’humanité.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis père de 3 enfants, je suis aussi grand-père. Je suis un Toulousain qui vit à Strasbourg. Je travaille dans l’ingénierie textile, je suis en train de monter une société. Des aléas ont fait que le démarrage de mon activité a été retardée. D’une part, l’épidémie de Covid-19. D’autre part, la découverte de ma sclérose en plaques. J’avais 55 ans lorsque ma maladie a été diagnostiquée. Il y a eu ensuite les confinements, cela m’a laissé le temps d’apprivoiser la situation et de voir comment j’allais m’adapter à cette nouvelle donne.

A quand remontent vos symptômes ?

En remontant le fil de mes différents pépins de santé, on date les premiers symptômes vers 1987-1988, j’avais alors 23-24 ans. J’ai eu une inflammation du nerf de la mâchoire, des vertiges, des surdités passagères, les jambes qui me lâchent… Le fait d’avoir beaucoup bougé pour le travail fait que je n’ai pas été suivi par le même médecin. Il n’y a donc pas eu de rapprochement entre ces différents événements. Fin octobre 2019, je suis allé en ville, j’ai ressenti des fourmis dans le pied. J’ai pensé que ça allait passer. Or, la gêne a continué et s’est propagée. J’ai alors consulté mon généraliste qui m’a envoyé aux urgences.

Que s’est-il alors passé ?

Il n’y avait pas de place dans le service. Ce n’est que dix jours plus tard que j’ai été hospitalisé. J’ai alors subi une ponction lombaire, un électromyogramme et une IRM. On m’a alors parlé du syndrome de Guillain-Barré, je n’ai pas posé de questions. L’IRM qui devait durer 20 minutes en dure 45, un vendredi soir. Personne pour interpréter le résultat. Trois jours plus tard, l’interne m’a annoncé assez brutalement que j’avais une lésion à la moelle épinière… Quand j’ai vu le neurologue, il m’a demandé d’autres examens et il a été le premier à poser le diagnostic de la SEP. Je me suis dit que j’allais faire avec. Au fond, c’était là depuis longtemps: avant d’avoir une sclérose en plaques, j’avais une sclérose en planque! (sourire)

Qu’est-ce qui vous a aidé à être si philosophe ?

J’ai lu le livre D’autres vies que la mienne, d’Emmanuel Carrère. Cette lecture m’a aidé. Un des personnages a un cancer. Il se dit que la maladie ne le définit pas, qu’il reste qui il est, qui il était auparavant. La pathologie vient s’ajouter et change son regard, mais c’est tout ! C’est quelque chose que j’ai pris immédiatement pour moi. Cette lecture n’est pas venue par hasard, c’est un livre que je devais lire depuis longtemps, et je l’ai lu pendant mon attente aux urgences.

Envisage-t-on les choses différemment, avec l’âge ?

Oui, être diagnostiqué à 55 ans m’a aidé, car j’avais une certaine maturité, chose que je n’aurais pas eu à 20 ans ou 25 ans. Pour ma part, ma vie était déjà faite en partie. Cela ne remettait pas en cause mon avenir.

Comment s’est passée l’annonce de la maladie à votre entourage ?

Certains amis soudain ne m’ont plus donné de nouvelles, c’était surprenant, mais ce n’était pas grave. Cela devait leur faire peur, les déranger. Ils n’avaient peut-être pas les mots. Je n’ai pas envie qu’on me plaigne. Certes, j’ai des douleurs, mais cela ne m’empêche d’apprécier de voir des gens et de rire ! D’autres personnes ont été gênées, mais présentes malgré tout. Dans mon entourage familial, mon fils adolescent, très émotif et sensible, a eu un choc et a somatisé. Peu à peu, les choses sont rentrées dans l’ordre. Aujourd’hui, il m’apporte une aide précieuse au quotidien. 

Comment votre compagne a-t-elle réagi ?

Elle m’a dit qu’on avait de belles choses à vivre ensemble et qu’on allait continuer à les vivre. Il n’y a pas eu de remise en cause, de difficultés particulières. Je compare ma situation avec celle de gens que la maladie a emportés… Moi je suis là, bien vivant, je vois grandir mes enfants et je vois naître mes petits-enfants. Je suis avec les gens que j’aime, je peux rire, cuisiner, leur faire plaisir, etc. Il y a encore tant de belles choses à vivre ! Je me dis que la maladie n’est pas grave parce qu’elle n’est pas mortelle. La vie est là, il faut en profiter, voir le bon côté des choses et apprécier tout ce qui arrive, malgré la maladie et les douleurs. Un matin, j’ai eu une baisse de moral, en pensant à ma petite-fille qui allait voir son grand-père, peu en forme. Cela n’a pas duré longtemps, je me suis dit qu’elle me connaîtrait toujours comme ça, que ce serait sa normalité.

Quels sont vos symptômes aujourd’hui ?

Dès le réveil, j’ai une fatigue extrême, comme si je venais de faire un déménagement… Je dors six heures par nuit et je fais des siestes en journée. J’ai l’impression de marcher avec des chaussures de ski sur des plaques de Legos ! Mes orteils me donnent la sensation d’être en bois et j’ai des crampes dans les mollets et dans les cuisses, dès que je marche plus d’une centaine de mètres. J’y arrive, mais c’est douloureux. Depuis six mois, j’ai opté pour un fauteuil roulant électrique pour mes déplacements extérieurs. Je n’en ai pas besoin chez moi. Heureusement, à Strasbourg, les transports en commun sont assez bien adaptés aux personnes à mobilité réduite. 

Quelles sont les incidences sur votre vie personnelle ?

J’arrive à faire ce que j’aime. En revanche, je ne peux plus faire de longues balades en ville ou faire du vélo. Je me suis adapté. J’ai quatre séances de kiné par semaine, je fais du Qi gong une fois par semaine. Côté traitement, je reçois une perfusion d’Ocrevus, tous les six mois. Il est important de s’entourer d’une équipe qui va comprendre les choses et trouver des solutions pour que notre vie soit agréable. Il faut avoir une hygiène de vie. Le fauteuil roulant, je le vois comme une aide ponctuelle. J’ai encore la chance de pouvoir être debout et de pouvoir marcher en prenant appui sur une canne, à l’extérieur, ou sur les meubles, chez moi. Je le prends comme un outil, pas comme une contrainte. J’ai la chance de vivre en appartement, avec ascenseur, ce qui m’offre un certain confort.

Et au niveau de votre vie professionnelle ?

J’ai de la chance. Je monte une société dont je devais initialement gérer la commercialisation, ce qui impliquait de nombreux déplacements. Finalement, je ne vais pas pouvoir le faire. Je vais rester à Strasbourg et j’irai à Paris ponctuellement. Je ne le vis pas comme une frustration, car je suis bien entouré. Les gens avec qui je travaille sont compréhensifs, privilégient mon bien-être et sont d’accord avec cette nouvelle organisation. Je ressens une forme de fatalité : les choses sont comme elles sont, je ne peux pas y changer grand-chose, autant l’accepter ! 

D’où tirez-vous cette force de caractère ?

C’est ma nature. Je suis bien entouré, les moments de partage et de rires me ressourcent ! Je fais de l’ordinaire quelque chose d’extraordinaire. J’ai aussi l’aide précieuse de Charlotte, ma marraine au sein de SEP Avenir. Elle est journaliste et médecin, elle me comprend car elle a la même maladie, je peux lui parler de tout. Cette entraide associative m’a beaucoup aidé. Je suis par la suite devenu parrain d’Alpha. Cette relation est authentique: comme on partage cette maladie, on se comprend au quart de tour. On échange les craintes aussi bien que les joies. Avec cette maladie, il y a aussi des côtés extrêmement positifs, et humainement enrichissants.

Propos recueillis par Caroline Libbrecht

Crédit photo: Anne Ropert

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